J'ai participé en tant que jury à l'épreuve de l'histoire des arts, une première et une dernière puisque cette épreuve tellement désirée passe à la trappe à compter de l'année prochaine. L'épreuve de l'histoire des arts se prépare tout au long de l'année avec les enseignants mais surtout à domicile, l'élève doit présenter cinq fiches au jury, qui peuvent être un film, un monument, un courant musical etc ... En terme de notation c'est 40 points pour le brevet des collèges en sachant qu'on joue quand même à domicile face à ses enseignants et que c'est vraiment l'occasion de se gaver.
On peut comprendre que cette génération se fout complètement du fait artistique et qu'un tableau de Picasso c'est pas bien, parce qu'il est mort, que c'est vieux en plus, qu'on va pas au musée et qu'il a pas de Facebook, si bien qu'on pourrait considérer que l'épreuve n'a aucun intérêt pour eux. Néanmoins à partir du moment où c'est quand même assez ouvert, les gamins pourraient prendre quelque chose qui les fait vraiment vibrer, s'exprimer sur du manga, un film, une musique, enfin je sais pas, gueuler à la face du monde qu'à 15 ans on est vivant et qu'on a envie de hurler sur les toits ce qu'on aime.
Résultat des courses, la grande majorité des candidats se sont retrouvés avec des fiches qu'il avaient récupérées sur internet, copier coller. Et le pire, c'est que c'est copier coller de trucs artistiques méga classiques, qui ne sont finalement pas intéressants pour l'élève et pour le prof pour des raisons simples et évidentes. Le prof quelque part a envie de découvrir un peu son élève, qu'il se dévoile un minimum, qu'il le fasse un peu rêver, découvrir, ouvrir un peu son jardin secret. L'élève parle d'un truc qui ne l'intéresse absolument pas et par le fait n'arrive pas à le faire vivre. Pire, on a vu des élèves présenter des livres qu'ils n'avaient pas lus, des films qu'ils n'avaient pas vus. Les notes sont donc lamentables et nous n'avons pas tenu compte du critère, travail non original. Une collègue me racontait que son fils dans un autre établissement, les enseignants tapaient les phrases des fiches en direct live pour vérifier s'il s'agissait d'une production originale ou d'un travail personnel. Est-ce qu'ils renvoient le candidat si c'est pompé ? Est ce qu'ils mettent zéro ? Aucune idée, l'épreuve étant particulièrement mal cadrée et laissée à la liberté des établissements que d'un endroit à l'autre les critères sont différents. Une journée particulièrement décevante où parfois nous avons eu la surprise d'avoir un gamin qui présente quelque chose d'original au milieu de fiches vues des dizaines de fois, et c'est forcément vers ce sujet qu'on s'est orienté pour finalement bien noter.
Pourquoi catastrophe éducativo-pédagogique ?
- on n'a pas réussi à donner envie au gamin de se jeter sur des oeuvres, de s'intéresser, d'écrire, c'est donc un raté pédagogique
- alors que les parents sont parfaitement au courant que cette épreuve existe, quand on voit les devoirs réalisés à l'arrache alors qu'on comptabilise un quart de la note du brevet, un quart facile de plus, on peut se demander que font les parents. Je peux reconnaître qu'au bout d'un moment, on en a vraiment plein le cul de faire le travail d'un assisté de 14 à 15 ans et que tout le monde sature d'être en permanence derrière des gamins qui sont incapables de se prendre en charge. Et là vous l'aurez compris, c'est le père de famille qui parle plus que l'enseignant. Néanmoins quand mon gamin ira aux examens, sans lui rédiger ses fiches, il ne sera pas seul pour les faire, on doit troquer l'art par des projets réalisés dans le courant de la scolarité ce qui fait qu'on n'est pas débarrassée. C'est un raté éducatif qui devient de plus en plus pesant, les enfants ont besoin d'avoir des gens derrière eux pour ne pas dire qu'on frôle le degré zéro de l'autonomie, et on peine à avoir des parents qui s'intéressent à leur travail.
Ce qui est réellement catastrophique parmi toutes les choses qui sont catastrophiques c'est le fait qu'en fait les gosses, j'en suis persuadé, ont certainement des choses à nous raconter. Mal, certainement, pas avec des mots de vocabulaire pompeux, des fautes de partout, mais c'est une certitude ils ont des choses à dire. La paresse et / ou la fainéantise fait / fonts qu'ils préfèrent mieux passer par du copier coller du net plutôt que de réaliser une production personnelle. Et là c'est un vrai problème, un problème de fond que nous retrouvons de façon systématique, le plagiat de Wikipédia ou ailleurs est devenu omniprésent, on se contente désormais de balancer de l'information sans l'ombre d'une réflexion comme si plus personne n'était capable de penser par soi-même. Que va devenir alors la production originale, pire, la pensée nouvelle quand les gamins se contentent d'aller chercher les infos en permanence sans oser en imaginer de nouvelles.
Le malaise est profond, grave, il va falloir qu'on essaie de redonner le goût de l'apprentissage, le penser par soi-même, l'envie de faire, d'être, enfin bref, on n'est pas dans la merde.